dimanche 25 janvier 2009

«Le Retour» de Pinter, force de frappe

Edward Hopper (1882 - 1967), Summer Interior, 1909,
oil on canvas. Whitney Museum of American Art, New York


Longtemps pièce du T.N.M n'avait eu une telle force de frappe (même si, plusieurs réserves majeures peuvent se manifester!)...

Avec la dramaturgie d'Harold Pinter, le théâtre est renvoyé à sa base élémentaire avec des dialogues qui basculent de manière inattendue et des pièces closes où les êtres sont livrés les uns aux autres et où le masque des convenances sociales tombe. Les personnages, fondamentalement imprévisibles, révèlent sans spectaculaire une faille ou une étrangeté dans leur identité, due à leur passé insaisissable. Le dramaturge situe presque toujours ses pièces dans des intérieurs minutieusement décrits mais saturés d'objets hétéroclites et dont l'inutilité n'a de cesse d'être souligné. (Wikipédia) Il en est de même avec Le Retour, oeuvre écrite et présentée pour la première fois en 1964, où règnent la suspicion et la menace, où les mots servent à exercer le pouvoir, où les mots s’avèrent même être une arme de destruction massive. [...] Décrite tantôt comme un panier de crabes, tantôt comme un noeud de vipères, la famille est là, dit-on, pour connaître nos secrets les plus intimes et nous trahir avec ! La famille, avec ses tabous et ses non-dits, ses conflits inexprimés et ses pots cassés, maladroitement dissimulés sous le tapis... (Programme du T.N.M.)

Si «la scène reflète la quintessence de la vie» selon les dires de Tcheckov, Pinter y puise dans la marge pour en concentrer le négatif. Ainsi, le déploiement dans les marges se manifeste-t-il par tout un jeu de de décalages, de distorsions, de contre-pied, d'attentes déçues, de surenchère rhétorique. La marge n'est toutefois pas la forme autre mais l'autre de la forme... (Corvin).

Ce texte - dont la traduction québécoise de René Gingras m'apparaît un peu faible - devient, des les premières répliques, un combat extrême et caustique où tous les coups (verbaux et physiques) sont permis entre ces frères jusqu'à l'arrivée de Ruth, la belle-fille. De là, les paroles acerbes et rongeantes deviennent le théâtre d'un enjeu mordant: la définition de la femme selon le point de vue de chacun des hommes présents - la déesse, l'épouse, la mère, la putain, la dominatrice, la soumise, etc.

Du théâtre comme on en voit rarement sur les scènes québécoises...

Pour mettre en scène cette pièce qui suinte la haine, la misogynie et la cruauté, le metteur en scène Yves Desgagné a privilégié une esthétique inspirée de Edward Hopper (ce dernier, considéré comme le «peintre de la solitude, de l'aliénation et de la mélancolie, figure notamment des personnages anonymes et archétypaux, dont le visage ne trahit aucune émotion, comme si le décor ou la situation le faisaient pour eux. Pourtant, de ses toiles se dégagent diverses impressions : le silence, la tension, l'exclusion, la mélancolie... recouvert d'un immobilisme malsain): un intérieur clos, tout en lignes droites pour créer différents plans, sombre et étouffant, confiné à représenter la désuétude de cette famille corrosive. Outre la patine un peu déficiente (mais peut-être est-ce voulu), l'effet d'asphyxie, d'étranglement, est particulièrement réussi... et pour une fois le T.N.M. donne un bel exemple d'une scénographie qui se veut le parfait miroir de ses habitants...

Le jeu des comédiens laissent toutefois entrevoir une faille importante due peut-être à la traduction et/ou la direction d'acteur. Une persistante impression de voir différents niveaux et de langage et de jeux sur la même scène dérange le spectateur (disons le spectateur professionnel...). Dune part, Marcel Sabourin profite de chacune de ses tirades pour exulter dans un jeu gestuel proche de La Ribouldingue alors que de l'autre, Patrice Robitaille et Noémie Godin-Vigneau jouent avec une austérité désarmante, que Jean-François Pichette se téléromanise et que Benoit Girard, tout aussi bon soit-il, passe comme une ombre...

Bien que je souhaite souligner l'intérêt des reprises de chaque tableau où les comédiens tiennent une pose véritablement picturale pendant quelques secondes, je dois avouer que la mise en scène (meilleure, à mon avis, dans la seconde partie!) se perd quelques fois dans des numéros, si le terme peut s'accoler à ces moments, qui dénaturent un peu le propos. Je pense particulièrement à ces étranges déplacements à reculons qui rendent perplexes ou à ces cloches qui résonnent dès qu'une lumière s'allume...

Plus de retenue de la part du principal protagoniste (Sabourin) et de la mise en scène et une plus grande homogénéité du jeu aurait probablement donné une plus grande tension à ce chef-d'oeuvre de la littérature dramatique.


Une semaine de théâtre

Du théâtre il y en a toujours... faut dire que nous sommes particulièrement choyés sur notre territoire avec toutes les compagnies et diffuseurs qui s'y trouvent (voir d'ailleurs à ce propos l'article de Anne-Marie Gravel à la page 36 du Progrès-Dimanche, Le milieu théâtral en ébullition... relation du premier Rendez-vous théâtre de mercredi dernier...). Alors, pour les quelques jours qui viennent, quelques dates à ne pas manquer!

Mercredi, 28 janvier 2009, 19h30
Message de Guylaine Rivard: À tous ceux qui ont communiqué avec moi pour confirmer leur présence au premier CRI du Choeur (NDLR: rencontres-laboratoires sur le jeu choral...) du 28 janvier, c'est à dire pour assister à la première représentation de La Rubrique, je vous informe que j'ai donné la liste des nom à La Rubrique hier (vendredi 23 janvier). Si parfois vous avez oublié de me confirmer votre présence, je dois malheureusement vous informer qu'il est trop tard maintenant. J'espère que vous serez quand même parmi nous lors du prochain CRI du CHOEUR, mercredi le 4 février à 18h30 au CEGEP du Chicoutimi. Pour le 28 janvier, j'invite donc tous ceux qui ont confirmé leur présence, à arriver 30 minutes avant la représentation de 20h, afin que nous puissions ensemble préparer notre CHOEUR de Bravo!!! (cette rencontre se fera dans l'atelier de formation au 2ième étage). Notez que pour l'occasion, nous serons tous regroupés dans la salle Pierrette Gaudreault, tel un véritable CHOEUR.

De mercredi à samedi, du 28 au 31 janvier 2009, 20h
(en fait, la pièce joue jusqu'au 13 février...)
Pour fêter leur trentième anniversaire de fondation, le Théâtre La Rubrique lance sa toute dernière (co-)production, Une maison face au Nord... un texte de Jean-Rock Gaudreault mis en scène par Jacynthe Potvin.


Chicoutimi, 2005. Henri Simard et sa femme Anne-Marie ont élevé trois enfants. Ils ont bâti leur existence de leurs mains – au propre comme au figuré. En faisant l’inventaire de sa vie de col bleu et de son atelier, Henri se sent coincé comme au bout d’une impasse : le patrimoine qu’il a constitué et le pays dont il a rêvé perdent inexorablement leur sens et leur avenir. Entre un fils exilé à Boston et poursuivi pour fraude boursière, un jeune ouvrier Guatémaltèque et un vieux Polonais, il entreprend stoïquement de contempler l’effondrement de son monde sous le regard lucide de sa femme qui se rend compte qu’aucun de ses enfants ne lui donnera de descendance. Avec entres autres Louisette Dusseault, Guy Migneault, Éric Chalifour et Sara Simard.