vendredi 9 mars 2012

«Réminiscence» de la compagnie Nuages en Pantalon


Hier soir, sous une petite pluie quasi printanière, je me suis rendu au Théâtre Périscope (à Québec), pour assister à une représentation de Réminiscence: En eaux profondes de la compagnie Nuages en pantalon (qui célèbre ses 10 ans d'existence - voir leur site web - par un immense triptyque, le Projet Eaux, dont Réminiscence est le dernier volet).

D'emblée, le metteur en scène, Jean-Philippe Joubert, sort des coulisses pour accueillir les spectateurs (petit discours d'usage) puis, peu à peu, il se dirige sur la scène et, presque kantorien, introduit lui-même ses comparses (dont la fort excellente Valérie Laroche). Une entrée en matière intéressante. Étrange. Les acteurs se joueront, et joueront (enfin... seront) un homme et une femme en fin de vie. Des figures interchangeables. Singulières et plurielles tout à la fois. Confondantes.

Le synopsis établit le cadre. Nous sommes là. Avec nos corps qui portent les souvenirs qui nous constituent. Avec nos corps qui portent ce que nous sommes. Nous sommes un homme; nous sommes une femme. Tous, nous sommes cet homme et cette femme. Ils sont ce que nous pourrions avoir été. 

La vie de cette femme s’efface. Il ne reste qu’à laisser la mer l’engloutir. Il ne lui reste qu’un désir : être avalé par la mer à son tour. Mais pourquoi sommes-nous attirés par ce qui nous détruit? Dans cet océan de désir qui le dissout, il se retrouve face à lui-même, à ses monstres, à ce qu’il porte d’elle. Ils se confondent l’un et l’autre. Ils en viennent à se détruire dans le désir, à n’être plus qu’un, à n’être plus. Silence.Dans son agitation, la mer rejette un corps. Mais la vie ne s’arrête pas. Elle se transmet. Elle est toujours en changement. Et restent les traces des vies dissoutes.

Dans un espace plus performatif que mimétique, composé d'un mur de planches sur lequel les comédiens se hisseront et de deux trottoirs en bois qui encadrent le plancher recouvert d'eau, la représentation prendra vite des allures un peu convenues de contemporanéité et de multidisciplinarité  en faisait s'allier ensemble du texte (des souvenirs personnels), de la danse, de la musique en direct (de l'excellent Mathieu Campagna), de la projection. L'ensemble, hétéroclite, fait aussi une large part à la nudité. Forme oblige un peu.

Beaucoup de travail. Oui. De forts bons moments. Oui. Comme cette personnification de vieilles personnes sans aucun artifice. Comme tous ces flashs qui s'enchaînent, pendant une dizaine de minutes, à un rythme effréné pour créer une succession d'images qui surprennent par leur (si rapide!) composition. Comme ce moments chorégraphiques où tous les corps nus sont chacun dans un rayon lumineux. Organique. Oui. Avec l'eau, ses clapotis; les vêtements trempés qui moulent les corps, qui flottent; l'aspect instable et mouvant de cette aire de jeu. Une recherche conséquente et ambitieuse.

Pourtant, l'impression de flotter en surface (oh, malgré la sensibilité manifeste de cette équipe et sa compétence) sur les traditions - voire les clichés - demeure tenace: l'eau qui lave; l'eau qui  emporte les mauvais souvenirs; l'eau qui dilue; l'eau qui purifie; l'eau source de vie.  La matière aqueuse demeure, plus souvent qu'autrement, prétexte à la construction d'effets (sentimentaux...) plutôt que de participer concrètement au discours de l’œuvre. L'eau reste un accessoire.

Mais bon. Ça reste mon opinion et ça vaut ce que ça vaut. Réminiscence plaira sans doute à beaucoup de gens, amateurs du genre. Ça se poursuit au Périscope, jusqu'au 24 mars (à noter qu'il y aura présentation de toute la trilogie les samedis 17 et 24 mars, à compter de 19h).

Voici ce qu'en disent d'autres sources:

Réminiscence: eau de vie - Éric Moreault, Le Soleil, 7 mars 2012
Réminiscence: le grand plongeon - Billy, Culturils, 8 mars 2012
En eaux profondes - Simon Lambert, Voir Québec, 8 mars 2012
Réminiscence, projet Eau - Magali Paquin, Mon(Théâtre).qc.ca, 8 mars 2012